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Le Motard

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Marc avait envie d’une sortie en moto depuis déjà quelques temps. Le temps n’avait pas été de la partie, il avait plu presque tout le temps depuis une semaine ; aussi lorsqu’il apprit que le lendemain serait une belle journée ensoleillée, il décida d’en profiter.

 

Il ne se leva pas trop tard et prit son temps pour le petit déjeuner. Le temps de s’équiper et de vérifier la pression des pneus de la moto qui n’avait pas roulé depuis un certain temps, il n’était finalement pas si tôt lorsqu’il se mit en route. Peu importe, il avait la journée devant lui et les jours étaient encore assez longs même si l’automne commençait à pointer le bout de son nez.

 

Souvent quand il partait à la journée, il ne prévoyait pas d’itinéraire précis ; cela lui arrivait aussi de ne pas du tout savoir où il allait et de laisser son instinct le guider. Cette fois, il avait sa petite idée, il voulait voir un village dont il avait entendu parler et près duquel se trouvait un complexe touristique réputé qui, sans trop qu’il sache pourquoi, était pour lui entouré de mystère : il avait envie de le découvrir depuis longtemps.

 

La veille, il avait jeté un coup d’œil rapide sur Google Maps et comme le trajet direct lui semblait  un peu court, il prévoyait de faire une grande boucle. Cela le faisait monter un col puis redescendre sur un lac avant d’emprunter des petites routes sinueuses pour rejoindre sa destination ; c’était une route idéale à moto.

 

Il n’y avait pas beaucoup de monde sur la route, non que cela fût très gênant à moto, et il arriva rapidement au pied du col. La montée à travers la forêt lui procura des sensations que tout motard appréciait : les virages, le vent, la fraîcheur des arbres, tout contribuait à faire corps avec la nature, à bien la ressentir et il était bien.

 

Il aimait cette route, mais pas le col en lui-même un peu trop touristique à son goût. Aussi, il ne s’y arrêta pas et descendit sur le petit lac, passa à côté d’une station de ski désertée, puis se délecta des virages sur les petites routes. Il arriva à destination à peu près vers l’heure du déjeuner.

 

L’hôtel était composé de vieux bâtiments en pierre qui se confondaient avec la falaise qui se trouvait juste derrière. Il n’y avait pas de grand dégagement devant l’hôtel et une forêt bien sombre se trouvait toute proche. Un rayon de soleil éclairait magnifiquement l’endroit, il se dit que l’ambiance devait être bien différente après le coucher du soleil ; il n’arrivait toutefois pas à savoir si elle était sinistre ou agréable. Il ne savait pas encore qu’il n’allait pas tarder à le découvrir.

 

Le restaurant était ouvert et il regarda la carte ; les plats n’étaient pas donnés, mais comme on était en semaine, un menu du jour était proposé. Il trouva le menu à son goût et plutôt que de reprendre la moto pour chercher un autre endroit, il se décida et entra.

 

Après un repas très correct, qui dura un peu longtemps, la faute à un car de touristes exigeant et à un serveur peu efficace, il se mit en quête d’un coin pour une petite sieste avant de se remettre en route. Il se posa au pied d’un énorme sapin.

 

Sa sieste fut relativement longue. Il fut réveillé par un courant d’air chaud et le bruit de craquement des arbres sous le vent. Enfin, cela ne pouvait être que le bruit des arbres, même si ça n’y ressemblait pas vraiment. Non, on aurait plutôt dit comme des halètements, mais là encore, il ne parvenait pas à en définir la nature ni le caractère agréable ou non, c’était vraiment bizarre.

 

Après avoir récupéré son casque et ses gants dans le top case, il entreprit de démarrer : impossible, aucun contact ne se faisait quand il tournait la clé. Il vérifia que le coupe circuit n’était pas enclenché, essaya de nouveau, sans succès. Sa moto ne lui avait jamais posé de problèmes et la, subitement, voilà qu’elle refusait de démarrer. Après plusieurs essais infructueux, il lui fallut bien se rendre à l’évidence, il était en panne ; il dut se résoudre à appeler l’assistance.

 

Il n’eut pas à patienter trop longtemps au téléphone : après une brève recherche, on l’informa qu’il y avait un garage moto pas trop loin et qu’il serait vite dépanné. Quant à un éventuel rapatriement, il fallait qu’il rappelle une fois le diagnostic effectué pour voir si ce serait nécessaire ou pas. Le dépanneur arriva assez rapidement et diagnostiqua un problème de batterie.

– On va aller au garage et je donnerai un petit coup de charge à votre batterie là-bas lui dit le gars. Comme ça vous pourrez repartir rapidement.

 

Marc monta dans la dépanneuse pendant que sa moto était chargée et ils prirent le chemin du garage. Une fois sur place, le garagiste mit la batterie en charge et remarqua vite que ça ne fonctionnait pas, la batterie refusait de se charger.

– Votre batterie est foutue, il n’y à rien à en tirer. Malheureusement, je n’en ai pas en stock et il est trop tard pour m’en faire livrer une. J’appellerai demain matin à la première heure et je pense que pour la fin de la matinée, votre moto sera en état de repartir.

 

C’était bien sa chance. Il allait devoir rappeler l’assistance et se faire rapatrier, probablement en taxi car il doutait qu’il y ait un train dans les environs. Il était en train de composer le numéro quand il pensa qu’il faudrait également revenir le lendemain pour récupérer sa moto ; pourquoi ne pas rester ici ce soir plutôt. Il ne connaissait pas très bien le village et demain matin, en attendant la batterie, il pourrait le découvrir en s’y promenant à pied.

 

L’assistance ne fit pas de difficultés pour prendre en charge la nuit d’hôtel et lui demanda s’il souhaitait qu’on lui en conseille un. Il préféra choisir lui-même en se disant qu’il allait demander au garagiste, ce qu’il fit après avoir raccroché.

 

Ce dernier réfléchit ; en cette saison, il ne voyait que l’hôtel où il avait mangé. Il ne fut guère enchanté à cette perspective, mais n’avait visiblement pas le choix. Le garagiste lui proposa d’appeler un taxi et 30 minutes plus tard, il était de retour à l’hôtel.

 

Le soleil était maintenant descendu derrière les montagnes et l’ambiance du soir qu’il n’avait pas réussi à imaginer plus tôt se ressentait clairement : cet endroit était sinistre. En plus, le vent s’était levé et son bruissement dans les arbres faisait penser à un chuchotement comme s’ils le surveillaient ; il en eut froid dans le dos.

 

Il reçut un nouveau choc lorsqu’il aperçut le réceptionniste. Celui-ci ressemblait comme deux gouttes d’eau à cet acteur qui jouait dans un film d’horreur qui se passait justement dans un hôtel. Il ne se souvenait plus de son nom, mais c’était marquant et il se dit que décidément, il était tombé dans un endroit bien bizarre.

 

On lui indiqua que, s’il le désirait, il pouvait profiter du spa qui se trouvait dans un bâtiment à part, relié par un tunnel en verre et qu’il y avait tout ce qu’il fallait dans la chambre : peignoir, serviette, pantoufle. Il répondit que pourquoi pas, cela lui ferait le plus grand bien et une carte d’accès lui fur fournie.

 

La chambre qu’on lui avait attribuée donnait sur l’arrière, sur la falaise et il n’avait du coup aucune vue. Décidément, ça n’était pas son jour, le passage au spa allait être d’autant plus apprécié. Il pensa soudain qu’il avait tout ce qu’il lui fallait sauf … un maillot ! Il n’avait que sa tenue de moto, il ne pouvait bien entendu pas se douter ce matin qu’il en aurait besoin.

 

L’envie de se détendre était forte, aussi il décida d’y aller tout de même. Après tout, il ne devait pas y avoir beaucoup de monde vu la fréquentation de l’hôtel, voire personne et il pourrait aviser une fois sur place. Certains spas autorisaient même d’être nus du moins dans le hammam et il avait sa serviette de toute façon.

 

La traversée du tunnel de verre accentua le malaise qu’il avait eu en arrivant puisqu’il entendit à nouveau le murmure des arbres et il pouvait apercevoir leur ombre se pencher comme s’ils voulaient l’attraper. Ce tunnel était assez long et au fur et à mesure de son avancement, son malaise fut progressivement remplacé par une sensation de douceur et de bien-être. Cela devait en grande partie être du au petit courant d’air chaud qui était maintenant présent et qui tournoyait autour de lui et sur lui.

 

Il n’y avait personne dans le spa. Après un passage éclair sous la douche, il se plongea avec délice dans le jacuzzi et y resta un long moment. C’était vraiment agréable d’y être nu et il pouvait sentir les bulles partout sur son corps. Sans qu’il parvienne à en déterminer l’origine, il sentait que le courant d’air chaud perçu dans le tunnel était toujours là, il allait et venait sur lui, sur sa tête, ses épaules.

 

Au bout d’un moment, il se dirigea vers le hammam ; à priori il n’était occupé par personne, du moins de ce qu’il pouvait en voir tellement la vapeur était dense. D’ordinaire, on arrive au moins à voir des silhouettes ; là, rien, une vraie purée de pois. Il dut tâtonner pour trouver un banc. Au moins, se dit-il pas besoin d‘enrouler la serviette autour de mes reins, s’il y a quelqu’un, il ne me verra pas plus que je ne le vois.

 

Malgré le bien être que la chaleur lui procurait et les toxines qu’il évacuait et qui coulaient le long de son corps, Il n’arrivait pas à être totalement à l’aise. Une drôle d’impression le taraudait, comme s’il pouvait sentir une présence tout près. C’était idiot, il n’y avait personne tout près de lui, il l’aurait senti en s’asseyant.

 

Cette impression de présence fut amplifiée quand il ressentit comme un frôlement sur son torse, précisément comme si quelqu’un venait de le toucher. Assez vite, il comprit qu’il s’agissait là aussi d’un courant d’air. Qu’il y ait un courant d’air dans le tunnel, dans l’espace jacuzzi qui étaient assez grands et bien ventilés, il pouvait le comprendre alors que là, dans le hammam fermé, c’était franchement étrange. D’autant qu’il lui semblait bien plus intense à cet endroit et qu’il se déplaçait selon une logique qui lui échappait.

 

Après le torse, il pouvait en effet maintenant en ressentir les effets sur son ventre, puis ses cuisses. Tout intrigué qu’il était, Marc se laissait peu à peu envahir par cette douceur et le sentiment de bizarrerie laissa la place à un sentiment de bien-être ; il se surprit à écarter les jambes.

 

L’air chaud lui caressait maintenant l’intérieur des cuisses, de plus en plus haut, jusqu’à effleurer ses parties intimes. Puis il les sentit comme encerclées, prisonnières de ce courant d’air qui tournoyait. Il se laissait aller à ses sensations ; après tout il était seul et dans le cas contraire, personne ne pouvait le voir fermer les yeux et se concentrer sur le plaisir qu’il ressentait.

 

Il n’avait pas envie de bouger, juste d’écarter les cuisses un peu plus pour mieux laisser libre cours à cet air chaud devenu coquin et dont il profitait. Bien entendu, certaines causes produisant certains effets de manière quasi certaine, un phénomène mécanique typiquement masculin ne tarda pas à se produire.

 

Il eut un peu honte tout de même, et si on le voyait malgré tout ? Il ramena la serviette sur lui pour cacher son état. Oui mais voilà, ce faisant, il interrompit le courant d’air ; terminé, plus de sensations agréables, plus de plaisir éprouvé par les caresses invisibles de l’air. Il était frustré, c’était déjà allé trop loin pour s’arrêter maintenant et les sensations dans son corps le poussaient à continuer.

 

Il déplaça la serviette pour la mettre devant lui comme un écran. Au moins, cela le cacherait-il au cas où. Le courant d’air était de nouveau là, et il reprenait son action, de manière encore plus appuyée qu’avant, avec encore plus de vigueur et ciblée exactement sur son entrejambe.

 

C’était fou tout de même l’effet que cet air chaud produisait sur lui. Ses mouvements, loin d’être désordonnés comme ceux de tout courant d’air, donnaient l’impression qu’il savait exactement à quel effet il voulait arriver, il montait, redescendait, tournoyait. Marc n’était pas acteur, il subissait ; enfin plus exactement, il se laissait faire et c’était très plaisant.

 

Le courant d’air s’arrêta tout net. On eut dit qu’il était arrivé à ses fins et que c’était désormais inutile de continuer. Marc se sentit d’un coup un peu bête et se demanda ce qui avait bien pu lui arriver. Se laisser envahir pas ses sensations, dans un lieu public même si personne ne semblait s’y trouver. Cela avait été plus fort que lui, il n’avait tout simplement pas pu résister aux caresses chaudes et habiles de ce vent venu d’on ne sait où.

 

Il se dépêcha de remonter dans sa chambre pour y prendre une douche et se hâta d’oublier cet épisode dont il retirait tout de même un peu de honte. Le reste de la soirée fut morose, il n’y avait quasiment personne dans le restaurant de l’hôtel et le serveur n’était pas très causant. Il zappa ensuite sur la télé sans trouver d’émission ou de film susceptibles de l’intéresser et finit par s’endormir, lassé par les émotions de la journée.

 

Il avait convenu avec le chauffeur du taxi de le prendre le lendemain vers neuf heures car il voulait explorer le village où se trouvait le garage. Il prit son petit déjeuner vers huit heures puis remonta dans sa chambre pour prendre son blouson. Au moment où il montait dans l’ascenseur pour rejoindre la réception, un homme le rejoignit.

– Bonjour, je vous ai vu aller au spa hier soir, avez-vous apprécié ?

 

Il fit un peu surpris par la question et eut soudain un doute. Cet homme était-il présent dans le hammam quand il …? L’homme poursuivit.

– J’y suis également allé et je n’ai pas regretté ajouta-t-il avec un clin d’œil dans sa direction.

 

Qu’est ce que cela signifiait ? Cet homme avait-il vécu la même expérience ? En même temps ? A un autre moment ? Ou bien disait-il ça juste pour le bien être qu’un passage dans un spa peut  apporter ? Il ne put en savoir davantage car ils étaient arrivés au rez de chaussée et l’homme s’éclipsa rapidement.

 

Marc régla sa note et le réceptionniste lui indiqua que son taxi l’attendait. A tout hasard, il lui demanda si quelqu’un d’autre avait profité du spa hier soir. Cela pouvait paraitre une drôle de question, mais il avait absolument besoin de savoir. Le réceptionniste lui répondit sans hésitation.

– Oh non Monsieur, il n’y avait que vous hier soir. Comme vous le savez, il faut un badge pour y accéder et vous êtes le seul à en avoir demandé. Avez-vous apprécié notre spa ?

– Oui beaucoup s’entendit-il répondre de manière un peu machinale avant de penser à lui demander s’il savait qu’il y avait un courant d’air important y compris dans la hammam.

– Vous m’étonnez monsieur, ce spa a été entièrement refait il y a peu de temps et il est très bien isolé, je ne pense pas qu’il puisse y avoir de courant d’air. Il s’agit d’un très vieux bâtiment jadis réservé aux femmes veuves sans ressources. On raconte que certaines y recevaient de jeunes hommes en cachette, qu’elles ont été dénoncées et chassées, se retrouvant ainsi à la rue. Par vengeance, certaines seraient revenues après leur mort pour hanter le bâtiment. Il n’y a plus de fantôme de nos jours n’est ce pas ? Qui peut encore croire à ces sornettes ? dit-il tout en souriant.

 

Sur ce, le réceptionniste prit congés car il devait s’occuper d’un autre client. Marc n’en savait pas plus et il n’avait toujours pas d’explication rationnelle quant à l’origine du courant d’air qu’il avait très bien senti la veille au soir et qui lui avait fait tant d’effet. Et ça n’était certainement pas cette histoire de fantômes qui allait lui en apprendre davantage.

 

Le taxi le ramena au village et après en avoir fait le tour pendant environ deux heures, Marc se rendit au garage pour voir si sa moto était prête. Le garagiste venait tout juste de remonter la batterie qu’il avait reçue juste avant et cette fois, la moto démarrait.

 

Marc rentra chez lui directement, il avait hâte de retrouver sa maison. Tout en roulant, il repensait à la succession d’événements depuis hier matin, depuis son départ pour une virée moto qui l’avait conduite dans un endroit qui pouvait tour à tour se révéler lugubre où intriguant, sinistre ou agréable. Un endroit qui conserverait ses secrets encore longtemps : il avait en effet regardé sur internet avec son téléphone en se baladant et il n’était fait mention d’aucune expérience similaire ni même d’un éventuel caractère hanté du bâtiment. C’est à peine si son existence était mentionnée. Pourtant il n’avait pas rêvé …