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La Randonneuse

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Sophie se leva en plein forme ce matin là ; elle avait envie de bouger et regarda par la fenêtre pour voir le temps qu’il faisait : le ciel était couvert, mais il ne semblait pas y avoir de gros nuages annonciateurs de pluie, les arbres ne bougeaient pas donc pas de vent. Les conditions semblaient idéales pour une randonnée et elle décida d’y aller.

 

Son compagnon Pierre s’était couché tard : il avait beaucoup de travail en ce moment car il devait rendre un rapport prochainement. Il travaillait à la maison, mais elle ne le voyait pas beaucoup, ils se croisaient juste pour les repas puis il retournait travailler. Elle doutait qu’il ait envie de venir avec elle et il devait de toute façon terminer aujourd’hui, il le lui avait redit encore hier soir. Elle lui ferait un mot pour l’informer de son départ, ça ne serait pas la première fois.

 

Sophie aimait beaucoup randonner à la journée, elle appréciait la beauté des paysages, les  sensations apportées par l’effort accompli, l’immersion dans la nature. Pierre l’accompagnait de temps en temps, c’était surtout pour lui faire plaisir ; elle savait que ça n’était pas son truc comme il disait. Pas grave, cela ne la dérangeait pas d’y aller seule et même, elle en profitait mieux que quand il la suivait en faisant des remarques sur la difficulté de telle ou telle montée par exemple.

 

Après un petit déjeuner complet avec fromage, œufs sur le plat, jambon et bien sur, du pain avec beurre et miel, sans oublier le café serré, Sophie se sentait pleine d’énergie. Elle opta pour un short plutôt qu’un bermuda et enfila un t-shirt technique sans manches. Même sans ciel bleu, il allait faire chaud. Elle se prépara un pique nique et remplit son sac à dos avec le nécessaire pour la journée : eau, biscuits, crème solaire, trousse d’urgence, T-shirt de rechange, polaire, coupe vent, …. Puis elle réfléchit au circuit qu’elle allait faire.

 

Une copine lui avait parlé il y a quelques jours d’un endroit qu’elle ne connaissait pas, un sommet un peu caché entouré de bosquets, mais qui offrait tout de même une très belle vue sur la vallée. Elle aimait découvrir de nouveaux endroits et après l’avoir repéré sur la carte, elle suivit le parcours à faire pour y parvenir ; pas de soucis, elle voyait très bien où se situait le départ et elle se mit en route après avoir laissé le mot pour Pierre en lui indiquant sa destination, c’était plus prudent, on ne sait jamais.

 

Ils n’habitaient pas très loin des départs de randonnée et après environ 30 minutes de route, elle se gara sur un petit parking en terre. Certains jours il pouvait y avoir jusqu’à 10 voitures sur ce parking ; aujourd’hui, elle était la première à s’y garer. Elle choisit son emplacement de manière à ne pas se retrouver coincée pour repartir: certaines personnes ne faisaient vraiment pas attention en se garant et il pouvait être difficile de ressortir en fin de journée.

 

Elle chercha la direction sur le panneau indicateur, vérifia sur sa carte puis se mit en route sur un chemin qui semblait plat, mais qu’elle soupçonna être en réalité un faux plat. Elle eut un peu de mal à trouver son rythme, ce qui n’était pas habituel et elle sentait déjà bien l’effort dans ses cuisses et ses mollets ; elle s’arrêta au bout de 10 minutes pour reprendre son souffle. «Que m’arrive-t-il ? D’ordinaire je démarre plus facilement ; peut-être ai-je pris un petit déjeuner trop copieux ?»

 

Elle repartit et sentit que le rythme revenait et qu’elle peinait moins ; c’était tant mieux car elle attaquait maintenant la montée, le chemin serpentait à travers la forêt et les virages se succédaient. Au bout d’une heure de marche, elle avait déjà franchi un bon dénivelé et s’octroya une pause ; il faisait bon et il n’y avait aucun vent, le calme régnait dans la forêt.

 

En repartant, elle vit sur le côté le départ d’un sentier qu’elle ne s’attendait pas à trouver à cet endroit ; elle avait bien étudié la carte et la prochaine bifurcation était encore assez loin. Bizarre, ce devait être un raccourci créé par les randonneurs pour couper quelques virages. Elle se dit qu’elle l’essaierait à la descente, histoire de lui faire gagner un peu de temps ; c’était du moins ce qu’elle imaginait.

 

Après encore une bonne heure, la forêt laissa place à un terrain découvert plus plat, il n’y avait plus que quelques bouquets d’arbres ça et là. Sophie apprécia le fait de ne plus monter, elle allait pouvoir récupérer ; même si elle avait trouvé son rythme, elle ne se sentait pas dans la forme des grands jours et elle fut ravie de pouvoir souffler un peu.

 

Il n’y avait toujours aucun vent et c’était tant mieux car il avait toute la place pour souffler sur ce terrain et elle n’aimait pas trop marcher avec le vent. Nouvelle pause pour boire, manger un biscuit et contempler la vue sur la vallée ; pas de ciel bleu, les nuages étaient haut et la vue dégagée. Elle étudia de nouveau la carte pour vérifier la direction et repartit en empruntant un sentier légèrement sur sa droite ; c’était la dernière section avant l’arrivée, elle pensait qu’elle en aurait pour 30 minutes à peu près.

 

Elle en mit environ 35 pour arriver au sommet que lui avait indiqué sa copine. Dans la montée, elle s’était demandé si elle ne s’était pas trompée car rien ne permettait d’imaginer qu’un sommet se trouvait au bout du chemin ; elle ne le découvrit vraiment qu’en arrivant dessus.

 

Une pancarte indiquait son emplacement ainsi que l’altitude et elle constata qu’elle avait fait un joli petit dénivelé malgré une forme moyenne. Le sommet était constitué d’une plateforme en pierres relativement plates entourées d’arbustes suffisamment hauts pour le cacher depuis le bas, mais pas trop non plus pour permettre une vue sur la vallée, c’était idéal. Avec l’aide de la carte, elle put mettre un nom sur les autres sommets alentour ainsi que sur les villages qu’elle pouvait apercevoir.

 

Après avoir enlevé son T-shirt trempé de sueur pour enfiler celui qu’elle avait pris en rechange, elle regarda autour d’elle à la recherche de l’endroit idéal pour le pique nique. Elle le trouva au pied d’un petit rocher qui lui servirait de dossier ; assise elle n’avait plus de vue, pas grave, de toute façon, elle allait s’installer pour la sieste sitôt son repas terminé, ce qui ne saurait tarder. Elle n’avait pas pour habitude de prendre son temps en pique nique, elle préférait manger assez vite afin d’avoir plus de temps pour la sieste.

 

Elle s’endormit vite et se réveilla au bout d’un moment qui lui parut relativement court : elle entendait des bruits, des voix et un petit groupe de randonneurs arriva sur le sommet. C’était sûrement eux qui l’avaient réveillée, zut. Ils ne restèrent pas très longtemps, elle ne réussit cependant pas à se rendormir, c’était foutu.

 

Allongée en attendant le retour de l’endormissement, elle cogitait. Les méandres du cerveau sont parfois complexes et ses pensées qui vagabondaient se fixèrent d’un coup sur une discussion récente qu’elle avait eu avec Pierre à propos de naturisme : ils étaient en train de regarder une émission sur le sujet et il avait fait la remarque que c’était une expérience qu’il tenterait bien. Ils n’en avaient jamais parlé auparavant aussi avait-elle été quelque peu surprise.

 

Ils avaient entamé le débat sur le sujet et étaient assez vite tombés sur un constat de désaccord : il avait bien envie d’essayer, mais pas elle. Elle ne se voyait pas se promener nue devant plein de monde même s’ils étaient dans le même tenue ; non qu’elle ait honte de son corps, çà n’était pas la raison, mais bon, sans se l’expliquer clairement, elle savait qu’elle serait gênée. Il avait insisté en disant qu’ils pourraient juste faire un essai, une fois pour voir ; rien à faire, elle campait sur ses positions.

 

Et voilà que maintenant, à un moment où elle ne s’y attendait pas, elle y repensait ; elle essaya de réfléchir à ce qui la bloquait, aux raisons qui faisaient qu’elle n’avait pas envie de le faire. Les gens qui pratiquaient, eux, n’avaient pas de problèmes : même imparfaits, ils ne semblaient absolument pas gênés par le fait de se montrer ; probablement qu’ils s’en fichaient grâce aux bienfaits qu’ils en retiraient, une sorte de liberté, de bien-être.

 

Plus elle y pensait et plus elle s’interrogeait sur ces fameux bienfaits et sur les sensations que le fait d’être nu dehors devait procurer. Peut-être qu’elle pouvait au moins une fois écouter Pierre et faire un essai, elle allait y réfléchir. Tout de même, faire un essai impliquait de se monter et, avant d’être certaine de ce que cela lui apporterait, elle avait du mal à se convaincre qu’elle pourrait le faire. Conclusion, elle devait faire cette expérience sans être vue.

 

Elle se dit que le moment était peut-être propice, elle était dans la nature, seule enfin si on excluait d’éventuels promeneurs, et elle avait envie d’essayer. Oui mais voilà, justement, elle n’était pas totalement seule et sa sieste écourtée par les randonneurs en était bien la preuve. Il lui fallait trouver un endroit où personne n’était susceptible d’aller et où, pour le coup, elle serait vraiment seule ; elle ramassa ses affaires et entreprit d’explorer les alentours.

 

Hormis l’arrivée du chemin, une trouée à peine visible semblait exister dans le cercle d’arbustes, elle s’y engouffra. Le passage était étroit, pas très long et elle déboucha sur une plateforme de pierre quasi identique à celle présente sur le sommet qu’elle venait de quitter, sans aucun autre accès. « C’est fou, en fait il y a deux sommets, et un seul est accessible facilement ; l’autre n’est probablement peu ou pas fréquenté et invisible depuis le premier ».

 

Elle pensait avoir trouvé l’endroit idéal. « Allez ma belle, s’encouragea-t-elle, tu étais décidée tout à l’heure à tenter l’expérience, c’est le moment, lance toi ». Après s’être assurée qu’elle ne pouvait pas être vue depuis l’autre plateforme, elle entreprit de se déshabiller. Une fois son T-shirt enlevé, elle hésita encore un moment puis se décida à enlever son soutien gorge en se disant que si besoin, elle pouvait toujours vite le remettre.

 

La sensation de l’air sur sa poitrine était agréable, mais lui semblait incomplète, elle sentait encore le « poids » du reste de ses vêtements. Après avoir prêté l’oreille pour vérifier que d’autres randonneurs n’étaient pas arrivés au sommet voisin, elle s’assit pour ôter ses chaussures et ses chaussettes et déboutonna son short qu’elle fit glisser sur ses chevilles.

 

Il lui restait une dernière étape, enlever sa culotte. Elle souleva les fesses et la culotte suivit le même parcours que le short jusqu’aux chevilles, elle était nue. L’expérience n’était pas terminée pour autant car si elle voulait connaître les sensations provoquées par le fait de se promener nue, il lui fallait se mettre debout et si possible, faire un petit tour ; elle avait entamé le processus, il lui fallait aller au bout.

 

Après un nouveau contrôle du sommet à côté, Sophie se leva ; la sensation qu’elle avait ressentie poitrine nue était maintenant complète, c’était vraiment différent du fait d’être nue à la maison pour prendre sa douche ou s’habiller. Non, là il y avait un petit quelque chose de plus qui faisait toute la différence et elle se sentait comme libérée.

 

Elle fit le tour de la plateforme en s’imaginant rencontrer des gens, leur dire bonjour, soutenir leur regard, ne pas regarder elle-même certaines parties de leur anatomie, … Elle se sentait bien, à l’aise, fière de son corps et elle commença à envisager la possibilité de faire un essai dans un endroit réservé aux naturistes.

 

Elle allait se rhabiller quand, prise d’une certaine ivresse que lui avait procuré cette expérience, elle eut envie de faire une rapide incursion sur la plateforme du sommet. A cet endroit pouvaient se trouver des gens ; certes il n’y en avait pas de ce qu’elle pouvait entendre, n’empêche, l’endroit n’était pas aussi protégé que celui où elle se trouvait et elle se disait que les sensations pouvaient de ce fait être différentes, qu’y aller pouvait représenter une sorte de risque, d’excitation.

 

Elle reprit le chemin de la trouée dans les arbustes et arriva là où elle avait pique-niqué ; bon, pour le moment, pas de différences. Déçue, elle se risqua sur le début du chemin par lequel elle était arrivée, toujours un peu plus ; elle marchait avec précaution car elle était pieds nus. Plus elle avançait et plus son cœur s’accélérait, cette fois elle était servie côté sensations ; puis elle entendit du bruit, quelqu’un arrivait. Son cœur s’accéléra encore plus et elle se dépêcha de revenir sur ses pas et de rejoindre son petit coin caché où elle s’allongea.

 

Elle n’osait pas bouger et elle attendit patiemment que la personne fut repartie pour se lever, ce qui lui parut durer une éternité pendant laquelle sa tête était remplie de pensées négatives: « Il va venir par ici, c’est certain, il va me voir, j’ai été folle de tenter cette expérience ». Elle n’était dorénavant plus tout à fait sure d’être prête à se retrouver en tenue d’Eve en face d’autres gens et elle se dépêcha de se rhabiller.

 

Sur le chemin du retour, elle était encore tellement à ses pensées qu’elle faillit rater le départ du petit sentier repéré le matin ; après avoir regardé la carte pour voir, même s’il n’y figurait pas, où il pouvait bien arriver, elle se convint qu’il ne pouvait s’agir que d’un raccourci. Au début le sentier n’était pas très large, mais suffisant pour marcher sans devoir faire comme les mannequins, un pied devant l’autre. Au fur et à mesure qu’elle progressait, il semblait se rétrécir et elle avait de plus en plus de mal à marcher normalement sans devoir justement aligner les traces de ses pieds. Puis le sentier disparut complètement.

 

Elle pensa qu’elle avait été un peu présomptueuse et qu’elle allait devoir faire demi-tour, perspective qui ne l’enchantait pas. Elle opta pour continuer tout droit ce qui, selon ses souvenirs de la topographie du terrain, devait forcément la ramener tôt ou tard sur le chemin principal. Elle se trouvait à présent dans une futaie dont les arbres bien droits, bien alignés étaient impressionnants. Elle s’aperçut qu’aller tout droit n’était pas si simple en suivant des rangées parallèles : laquelle suivre en effet ? Etaient-elles alignées dans la direction qu’elle devait prendre ? Une simple petite déviation et on pouvait atterrir à un tout autre endroit.

 

Occupée qu’elle était de suivre sa direction, elle n’avait pour le moment, pas fait attention au bruit. Il y avait dans cette futaie un brouhaha, un ensemble de bruits indistincts qui faisaient penser tour à tour à des voix, des chants, des bruits de scies, des chutes d’arbres, … c’était une vraie cacophonie. Sophie en eut des frissons et hâta le pas pour sortir au plus vite de cet endroit.

 

Puis des branches commencèrent à tomber près d’elle. D’abord une puis deux, puis des dizaines ; il y en a même une qui faillit lui tomber dessus, elle rasa son épaule. Sophie s’appuya contre le tronc d’un arbre en se disant qu’elle serait un peu à l’abri et observa la branche qui l’avait frôlée, elle était couverte de gui. En y regardant de plus près, elle vit que toutes les branches qui tombaient en étaient recouvertes.

 

Que se passait-il ? Pas de vent pour expliquer ce phénomène. Le poids du gui peut-être ? Sophie en doutait, c’était l’explication pour la chute d’une, voire de quelques branches peut-être, pas d’une telle quantité. Elle n’en menait pas large et pensa qu’elle devait fuir cet endroit le plus vite possible ; deux solutions s’offraient à elle : revenir sur ses pas ou foncer droit devant pour sortir de la futaie, peu importe où elle arriverait.

 

Elle opta pour la deuxième solution, un retour en arrière lui semblant au dessus de ses forces, elle préférait se rapprocher de la vallée le plus vite possible. Elle mit son sac à dos sur sa tête pour se protéger et fonça droit devant elle ; les branches continuaient de tomber et elle dut zigzaguer pour éviter celles qui étaient à terre ; quelques unes tombèrent sur son sac qui amortit bien le choc. Puis tout se calma progressivement, moins de chutes, moins de bruit, et finalement plus du tout, elle était sortie de la futaie.

 

Elle se risqua à se retourner et effectivement il n’y avait plus rien. Qu’il ne se passe plus rien en dehors de la futaie, admettons, mais elle pouvait clairement la voir pas très loin cette futaie et là non plus, rien. Là, où un instant auparavant le bruit et les chutes étaient incessants, le calme régnait et elle ne pouvait apercevoir aucune branche à terre. Sophie ne comprenait pas, avait-elle rêvé, imaginé cette agitation ? Impossible, c’était bien réel ; en tout cas, son cœur battait la chamade, c’était décidément le jour des émotions.

 

Toujours intriguée, mais pressée de s’éloigner de cet endroit, elle continua et ne tarda pas à se retrouver sur une route. Elle la reconnaissait, c’était la route qui se prolongeait au delà du parking où elle était garée, il fallait qu’elle parte vers la droite ; elle ne savait par contre pas à quelle distance elle s’en trouvait.

 

Elle entamait sa progression sur le goudron quand une voiture arriva en allant dans la bonne direction. Sophie tendit le pouce à tout hasard ; même si elle n’aimait pas faire du stop, elle avait hâte de terminer cette randonnée. La voiture s’arrêta quelques dizaines de mètres devant elle et la portière du passager s’ouvrit ; après s’être approchée, Sophie se pencha et vit un homme qui lui souriait.

– Bonjour, j’ai comme l’impression que vous n’êtes pas arrivés où vous pensiez, je me trompe ? Puis-je vous amener quelque part ?

 

Avec sa tenue et son sac à dos, il avait deviné qu’elle venait de faire une randonnée et il avait logiquement pensé qu’elle s’était perdue. En effet, peu de gens terminent une balade sur une route, surtout en faisant du stop.

– Merci oui, ma voiture est garée au parking en terre, au départ des balades, je ne sais absolument pas si c’est loin.

– Il n’est pas très loin, mais tout de même un peu pour quelqu’un qui me semble fatiguée et puis la marche sur la route n’est pas très agréable ; montez, je vous amène.

 

Sophie ne se fit pas prier et s’installa sur le siège passager. Le conducteur lui demanda quel parcours elle avait fait car il connaissait un peu le coin. Lorsqu’elle lui parla du sommet caché, elle cru voir un léger sourire sur son visage, vite effacé.

– Je connais bien cet endroit, j’y vais assez souvent, je trouve qu’on s’y sent bien, qu’il y a de bonnes ondes comme on dit et que c’est propice à la détente, à un certain lâcher prise, vous ne l’avez pas ressenti ?

 

Cette fois encore, elle eu l’impression que sa remarque le faisait sourire. Comme elle n’était pas entièrement sure d’elle, elle n’osa pas lui demander ce qui pouvait bien le faire sourire de la sorte. Et avant qu’elle ne réponde, il ajouta.

– J’y étais même aujourd’hui, ajouta-t-il, j’ai pris un autre itinéraire que le vôtre.

 

Ca alors, elle se demanda s’il pouvait être le randonneur qui était arrivé lorsqu’elle se promenait nue là haut ? Tout de même, il n’est pas le seul à y être allé aujourd’hui, ce serait une drôle de coïncidence. Elle était quasiment sûre de ne pas avoir été vue, mais les esquisses de sourire qu’elle avait observés chez lui prenaient maintenant une autre connotation, elle commençait à douter.

 

Elle décida de changer de sujet et lui parla de sa traversée de la futaie. Cette fois, il sourit franchement.

– Ah vous aussi. Personne ne veut me croire quand je le raconte, j’ai vécu la même expérience et c’est vrai que c’est assez effrayant. Depuis je ne passe plus du tout par là, quitte à faire un grand détour.

 

Il ajouta qu’à l’époque celte, cet endroit servait aux druides pour rendre hommage aux dieux et qu’ils y coupaient du gui. Selon la légende locale, les druides protégeraient cet endroit au delà des âges en effrayant les promeneurs qui osent s’y aventurer ; bien entendu, personne n’y croyait et c’est pourquoi on ne voulait accorder aucun crédit à son récit. Pour sa part, il soupçonnait un phénomène magnétique inconnu qui amenait le randonneur à avoir des hallucinations. Il ne semblait cependant pas très convaincu, tout en n’ayant aucune autre explication rationnelle.

 

Ils arrivèrent bientôt au parking et, pressée de rentrer chez elle après toutes ses émotions, Sophie prit congé en le remerciant pour la conduite ainsi que les explications à propos de la futaie. Au moment où il partait, il sortit la tête par la fenêtre et en s’adressant à Sophie, il lui dit :

– La prochaine fois que vous vous rendez au sommet, couvrez-vous, il y fait frisquet certains jours, ce serait dommage que vous attrapiez froid !

 

Un large sourire fendait son visage et dans sa main, elle crut voir … une branche de gui !