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Les Voyageurs

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Antoine conduisait maintenant depuis plus de deux heures, il commençait à avoir envie de s’arrêter et avait bien envie d’un café. A ses côtés, Lise était assoupie ; il faut dire qu’ils s’étaient levés tôt ce matin là, au vu du trajet prévu pour la journée : ils se rendaient quasiment à l’autre bout de la France et avaient prévu de faire le trajet sur 2 jours.

 

Après pas mal de recherches, il avait dégoté une chambre d’hôtes pour le moins atypique et perdue dans la campagne. Il aimait bien chercher la perle rare quand ils s’arrêtaient en route, pas pour y passer une semaine de vacances non, là il était plutôt assez conventionnel, mais pour une nuit, il aimait l’originalité.

 

Il était en train d’y penser quand une pancarte annonça une aire de repos toute proche, il s’y arrêta. Lise émergea dès qu’il coupât le moteur.

– Où est-on ?

– Quelque part sur la route, il est temps de faire une petite pause et j’ai bien envie d’un café.

 

Quelque part : c’était bien son mot, Antoine ne répondait jamais clairement à ce genre de questions ; Lise s’y était habituée et elle se contenta de cette réponse. A quoi bon, de toute façon, savoir précisément où ils se trouvaient ? C’était comme leur hébergement du soir dont elle ne savait rien ; comme à son habitude, il avait été très évasif quand elle avait tenté d’en savoir plus :  « Ce sera une surprise » lui avait-il répondu.

 

A chaque fois qu’il avait réservé une nuit à l’occasion d’un trajet en voiture, il avait toujours réussi à la surprendre. Que ce soit une cabane dans les arbres avec tout le confort, ou bien au milieu de l’eau, ou encore une sorte d’igloo transparent pour voir les étoiles, il faut dire qu’il savait choisir. Elle se souvenait particulièrement de cette sensation quand ils avaient fait l’amour dans cet igloo, de cette impression d’être dehors dans la nature et que n’importe qui pouvait les surprendre.

 

Ils reprirent la route et le reste du trajet se déroula sans encombre. Lise relaya Antoine pour conduire le temps pour lui d’une petite sieste et ils arrivèrent à leur destination aux environs de 18H.

 

Le château se découvrit au bout d’une allée interminable bordée de platanes centenaires. Ils avaient eu un peu de mal à en trouver l’entrée malgré les coordonnées GPS et il semblait n’y avoir aucun panneau pour l’indiquer. Ils avaient fini par trouver une grille en bordure d’un bois, au bout d’un chemin de terre et, après s’être annoncés à l’interphone, la grille s’était ouverte en grinçant, commandée depuis l’intérieur : on se serait cru dans un film d’horreur.

 

C’était donc la surprise, un château ! Lise ne considérait pas qu’une chambre d’hôtes dans un château soit quelque chose de très original même dans un tel environnement. Elle se demandait ce qui avait pu motiver le choix d’Antoine quand un homme en tenue d’époque se présenta pour les accueillir.

– Bonjour,  je suis Hector, le serviteur de Madame et Monsieur les propriétaires du château. Avez-vous fait bon voyage ?

 

Sans attendre la réponse, l’homme prit les bagages dans le coffre et les invita à le suivre vers la tour qui se trouvait sur le côté de l’entrée principale.

– Je suis désolé, il n’y a pas d’ascenseur bien évidement, il va falloir monter quelques marches pour accéder à votre chambre. Mais je pense que cela ne vous surprend pas, c’était bien précisé dans l’annonce, cela ne vous aura pas échappé.

– Pas de problèmes, répondit Antoine qui ne semblait pas surpris le moins du monde, je l’avais vu, mais j’ai également noté que la perspective depuis le haut de la tour était assez exceptionnelle ; je pense donc que l’effort sera largement récompensé. Et puis, on ne dort pas tout les jours dans une tour de château, cela se mérite.

 

Lise n’était pas plus effrayée qu’Antoine par la perspective de monter toutes ces marches, mais tout de même, elle se disait qu’une chambre dans le château aurait tout aussi bien pu convenir, elle aurait probablement été plus grande et plus confortable. Elle ne pensa plus du tout la même chose lorsqu’elle découvrit la vue qui se présentait à eux depuis les fenêtres de la chambre. Au-delà du bois qui entourait le château, toute la campagne environnante était visible, sur 360 degrés : une succession de vallons et de collines, des routes et des ruisseaux qui serpentaient. Le paysage était tout simplement magnifique de simplicité et de variété.

 

Quant à la chambre, elle était superbe quoique légèrement exiguë ; on ne pouvait bien sur pas s’attendre à une grande superficie dans une tour. Le lit était situé au milieu et de charmants petits meubles anciens garnissaient les murs tout autour. On accédait à la salle de bains qui se trouvait à l’étage supérieur par un petit escalier de bois.

– Je vous laisse vous installer, Madame et Monsieur vous attendent pour le dîner en tenue à 19h. En disant ces mots, l’homme ouvrit une armoire dans laquelle était pendus divers habits d’époque.

– Il y a différentes tailles, je pense que vous n’aurez pas de mal à trouver quelque chose qui vous convienne, leur précisa-t-il. Et je tiens à préciser que ces habits sont nettoyés après chaque utilisation, vous pouvez donc les porter sans crainte.

 

Antoine pensa que la précision n’était pas inutile car il devait y avoir bien des visiteurs peu enclins à endosser des habits poussiéreux et portés par différentes personnes sans être lavés. Il n’avait pas été trop étonné par l’apparition de l’homme en tenue, pas plus que par le fait de devoir s’habiller pour le dîner, cela faisait partie du thème affiché « Immersion dans la vie des châtelains d’autrefois ». Il n’en connaissait pas tous les aspects ; il avait par contre convenu avec le propriétaire des lieux d’une petite « attraction » comme ils l’appelaient sur le site. Il ne la révélerait à Lise que le moment venu.

 

Une fois le serviteur parti, Lise se tourna vers son mari.

– Je suppose que tu n’es pas étonné par tout ce cérémonial, cela fait partie de la surprise certainement. Je dois m’attendre à d’autres choses du même genre ? Un bal costumé après le dîner ? Une cérémonie occulte dans les sous-sols du château ? Une partie coquine avec des courtisanes ?

– Patience, ma chérie, si je te dis tout maintenant, il n’y aura plus de surprises. Pour l’heure, il faut nous hâter et nous préparer pour le dîner, ajouta-t-il sur un ton châtié approprié aux circonstances.

 

Après avoir pris une douche et pendant qu’Antoine faisait de même, Lise entreprit de choisir la robe qu’elle allait porter. Elle en repéra une qui semblait à sa taille et qui lui plaisait bien car elle était assez simple tout en étant raffinée. Elle retira la serviette nouée autour d’elle puis ouvrit sa valise pour choisir ses sous-vêtements.

 

Elle opta pour une parure noire qu’Antoine affectionnait tout particulièrement, surtout quand elle était accompagnée d’un porte jarretelle et de bas ; elle les avait également emportés car elle comptait bien sur quelques soirées coquines pendant leurs vacances. Pourquoi ne pas commencer dès ce soir ?

 

Quand il descendit de la salle de bains, Antoine vit sa femme debout de dos, qui terminait d’accrocher ses bas. Elle ne l’avait pas entendu arriver, il s’approcha doucement et posa délicatement ses mains sur ses fesses nues. Lise sursauta puis se retourna, laissant à Antoine tout le loisir d’admirer sa taille et son ventre mis en valeur par ces quelques artifices. Ses yeux descendirent vers la légère toison et il allait s’approcher quand elle l’interrompit :

– Doucement Monsieur, tu ne devais pas voir avant ce soir, tu triches. Allez, dépêche toi de te préparer, il ne reste plus beaucoup de temps.

 

Tandis qu’il choisissait une tenue dans la penderie, Lise finit de s’habiller, la robe lui allait parfaitement. Antoine la trouva vraiment belle et désirable, surtout après ce qu’il venait de voir et qui était maintenant bien caché sous la robe ; il avait hâte de revenir dans leur chambre après le dîner. Sa tenue à lui était assez classique, un pantalon qui arrivait à mi mollet, des bas pour compléter, une chemise à jabots et pour finir une redingote.

 

Un peu avant l’heure prévue, ils descendirent de la tour et entrèrent dans le hall du château ; le serviteur les y attendait et les conduisit au petit salon dans lequel se trouvait un couple dans la cinquantaine. Ils se fondaient dans le décor et faisaient vraiment illusion, si ce n’était les téléphones portables posés sur un petit guéridon, on se serait vraiment cru revenus aux temps anciens.

 

L’ambiance fut très conviviale ; leurs hôtes leur expliquèrent qu’ils étaient très férus de la vie d’autrefois dans les châteaux et que c’est ce qui les avait motivés dans leur choix. Ils avaient  racheté le château, créé la chambre d’hôtes dans la tour et imaginé un cérémonial pour distraire leurs visiteurs. De leur côté, Lise et Antoine firent part de leurs diverses expériences dans les lieux insolites où ils avaient dormi, ce qui sembla beaucoup intéresser les châtelains.

 

Après avoir mis au point les modalités du petit déjeuner, il fut temps de prendre congés. Au moment de leur sortie du château accompagnés des propriétaires, Lise surpris un regard de complicité entre son mari et l’homme : celui-ci sembla bouger la tête vers le bas comme pour signifier un accord. Comme elle se doutait qu’elle n’était pas au bout de ses surprises, elle n’en fut pas étonnée, elle était juste curieuse de savoir ce qui était prévu pour la suite du programme.

 

Avant de remonter dans la chambre, Antoine insista pour faire un petit tour pour prendre l’air. Ils s’enfoncèrent dans une allée sur leur gauche et rapidement, les lumières du château s’estompèrent et l’obscurité les enveloppa. Comme ils avaient laissé leur téléphone dans la chambre, ils ne pouvaient pas les utiliser pour s’éclairer, Lise commençait à avoir peur et voulut rentrer.

 

Antoine allait insister pour continuer encore un peu quand une lumière jaillit soudain devant eux, accompagnée par une douce musique et le bruit de l’eau qui jaillit en cascade. Comme attraction, Antoine avait opté pour l’apparition d’étranges lueurs et des bruits pendant la nuit, laissant penser que la tour était hantée. Il s’était dit que même en étant prévenu, cela pouvait être très excitant et surtout, il avait envie de voir la réaction de Lise ; mais là, c’était autre chose. Quoiqu’un peu surpris, il pensa tout de suite à une autre mise en scène proposée par le gérant, même s’il ne se souvenait pas l’avoir vue dans la liste. S’agissait-il d’un test ? Ils n’avaient pourtant pas précisé qu’ils iraient se promener après manger donc comment pouvait-il le savoir ? Peut-être les avait-il vus s’engager dans l’allée et avait-il voulu les surprendre ?

 

Lise, de son côté, pensa tout de suite qu’il devait s’agir d’une des surprises concoctées à la demande de son mari et elle se dirigea vers la lumière, maintenant plus du tout effrayée. En s’approchant, elle distingua nettement des ombres qui semblaient danser autour d’une fontaine.

– J’avais raison de parler de bal, c’est sûrement un bal costumé lança-t-elle à destination de son mari qui suivait à quelques pas derrière.

 

Tout en disant cela, elle comprit que ce n’était tout simplement pas possible, qu’il y avait trop de figurants et que le coût aurait été trop élevé pour être amorti par une simple nuit en chambre d’hôtes, aussi chère fut-elle.

 

En approchant, elle distingua mieux les ombres et il lui sembla apercevoir des femmes à moitié nues qui tournaient autour de la fontaine en riant, poursuivies par des hommes passablement ivres ; tout cela au son d’un orchestre qui se trouvait sur le côté. En même temps, elle comprit qu’il s’agissait probablement d’une projection.

– Rectificatif, il s’agit d’un bal de courtisanes comme il en existait autrefois chez les riches seigneurs. Et il s’agit d’une projection, je ne sais pas comment ils font, c’est bluffant de réalisme.

 

Antoine était revenu à sa hauteur et ils s’étaient tous les deux arrêtés pour mieux apprécier le spectacle : on avait réellement l’impression d’y être et de voir évoluer de vraies personnes. Il n’avait aucune idée du procédé employé, il demanderait demain matin par curiosité.

 

Ils cherchèrent à avancer davantage et d’un coup, tout s’arrêta ; plus aucune trace de lumières, de danseuses ni de musique, tout s’était comme volatilisé. Tout au plus arrivaient-ils encore à distinguer la fontaine, mais celle qu’ils apercevaient n’avait pas vu d’eau depuis fort longtemps. Dès qu’ils eurent fait demi-tour pour rentrer au château, une légère musique se fit à nouveau entendre ; ils se retournèrent et elle s’arrêta aussitôt.

 

Cela recommença et même de plus en plus fort à mesure qu’ils s’éloignaient. Puis ce fut au tour de la lumière de revenir, ils pouvaient l’apercevoir qui rayonnait. Puis des danseuses, ils pouvaient entendre leur rire. Mais aussitôt qu’ils voulaient regarder, tout s’arrêtait pour reprendre de plus belle quand ils se dirigeaient à nouveau vers le château. C’était comme un jeu et Lise ne se priva pas d’y jouer comme une gamine : elle avançait puis se retournait brusquement pour ne plus rien voir ni entendre, elle s’amusait énormément.

 

Toute à son excitation, elle courut vers la tour dont elle avala rapidement les escaliers. Antoine, lui, était perdu dans ses pensées : il s’interrogeait sur le mécanisme mis en place, il le trouvait à la fois fabuleux et mystérieux.

 

En arrivant dans la chambre, il crut qu’il revoyait le spectacle de la forêt. Lise avait eu le temps de mettre de la musique sur son téléphone et sa robe était défaite jusqu’à la taille, son soutien-gorge jeté sur le lit. Elle courait tout autour en riant et en criait « je suis une courtisane, attrape moi si tu peux ». Seule la lumière de la lune éclairait la pièce et cela ajoutait à l’atmosphère quelque chose d’irréel, tout comme ce qu’ils venaient de voir.

 

Antoine sourit, ravi de voir sa femme d’humeur si joueuse, cela promettait de leur faire passer un bon moment. Il se mit à courir derrière elle sans se presser, il savait qu’il ne lui faudrait pas longtemps pour la rattraper. Ils jouèrent ainsi de longues minutes, s’arrêtant, se regardant avec un sourire qui en disait long sur leurs intentions, puis repartant dans leur poursuite.

 

Sans doute lassée et désireuse de passer à autre chose, Lise arrêta sa course et se mit debout sur le lit. Tout en regardant Antoine et en riant, elle jouait avec sa robe en la remontant pour mieux la laisser retomber ensuite, chaque fois un peu plus haut. Lorsque Antoine faisait mine de s’approcher, elle le repoussait avec son pied en riant encore davantage et en faisant son effarouchée :

– Enfin Monsieur, gardez vos distances. Que me voulez-vous ?

 

Ce petit jeu dura quelque temps avant que Lise ne lui demande de se dévêtir à son tour tout en prenant un air choqué par ce qu’elle voyait. Tout en continuant à jouer l’ingénue, elle fit semblant de perdre sa robe qui tomba à ses pieds. Même s’il connaissait déjà ce qu’elle portait dessous, Antoine le redécouvrit avec plaisir.

 

Lise se mit ensuite à genoux et d’un petit signe de l’index, elle lui indiqua qu’il pouvait la rejoindre. Il décida de jouer un peu à son tour et tourna lentement autour d’elle en la faisant patienter. Elle acheva alors de se déshabiller et il monta à son tour sur le lit.

 

Fatigués par leurs ébats et la journée de route, ils ne tardèrent pas à s’endormir. Au bout d’une heure environ, Lise se réveilla d’un coup, elle avait perçu quelque chose dans son sommeil. Elle ne savait pas exactement ce qu’elle avait entendu, elle était cependant certaine qu’un bruit l’avait réveillée. Comme elle n’entendait rien, elle se dit qu’elle avait du rêver.

 

Elle allait essayer de se rendormir quand elle entendit de nouveau quelque chose en même temps qu’une lueur passait fugitivement sous la porte de la chambre, elle n’avait donc pas rêvé. Elle se redressa dans le lit, tous les sens aux aguets. S’agissait-il encore d’une surprise ? Non, pas cette fois, elle en était persuadée et puis, ils avaient eu leur dose lui semblait-il.

 

De nouveau la lueur passa sous la porte, dans l’autre sens cette fois et un bruit de chaînes ainsi qu’un petit chant plaintif l’accompagnait. Puis cela recommença, à chaque fois dans un sens opposé, comme si quelqu’un montait et descendait l’escalier de la tour. Y avait-il encore un étage au dessus ? Pas à sa connaissance.

 

Le cœur de Lise s’emballa, elle redoutait le passage de la lueur et des bruits, chaque intervalle entre deux la laissant avec l’espoir que cela s’arrête. Prise d’angoisse, elle décida de réveiller Antoine et le secoua aussi fort qu’elle put.

 

Antoine était en plein rêve quand il se sentit ballotté dans tous les sens. Ouvrant les yeux, il vit sa femme penchée sur lui qui lui murmurait « Chéri, réveille toi, vite s’il te plaît, il se passe quelque chose d’effrayant » ; il pouvait lire une grande frayeur sur son visage et il se sentit d’un coup complètement réveillé.

– Que se passe-t-il, ça ne vas pas ? dit-il en se redressant à son tour.

Lise tremblait.

– Il y a des bruits et des lueurs dans l’escalier, on dirait que quelqu’un monte et descend à intervalles réguliers, j’ai peur qu’il n’entre dans la chambre.

 

Il mit quelques minutes à comprendre la situation, c’est vrai qu’ils n’avaient pas encore eu la surprise prévue, la tour hantée, il l’avait complètement oubliée. Il sourit et entreprit de rassurer Lise.

– Calme toi, il ne s’agit pas d’un fantôme, c’est la surprise dont je t’ai parlée, c’est pour faire croire que la tour est hantée ; je ne pensais pas que cela fonctionnerait aussi bien.

 

Lise attrapa son oreiller et le frappa à plusieurs reprises.

– Espèce d’idiot, tu te rends compte que j’ai eu la peur de ma vie. Je n’ai pas pensé une seule seconde que c’était la surprise étant donné qu’on l’avait déjà eu dans la forêt.

– Je suis désolé, je pensais que tu aurais peur quelque temps puis que tu comprendrais, je ne voulais pas que tu soies autant paniquée. Je ne sais pas ce que c’était dans la forêt, je n’étais pas au courant ; c’est sûr que si tu as cru que c’était la surprise, alors tu n’as pas pu imaginer que le coup du fantôme était une mise en scène de plus.

– Tout de même, j’ai eu sacrément peur, il va falloir que tu te fasses pardonner, tu ne coupes pas à un bon restaurant pendant notre semaine.

– Pas de soucis, dit-il en la prenant dans ses bras.

 

Lise eut un peu de mal à se rendormir, mais finit par y arriver. La lueur et les bruits continuèrent encore un peu puis s’arrêtèrent.

 

Le petit déjeuner du lendemain les attendait sous forme d’un buffet complet. Les événements du soir et de la nuit les avaient mis en appétit et ils lui firent honneur en goûtant à tout. Lise raconta aux propriétaires la frayeur qu’elle avait eue avec la mise en scène du fantôme et cela les fit bien rire. Elle ne mentionna pas le spectacle dans la forêt ; Antoine y pensa et se dit qu’il leur en parlerait en réglant la note, il ne voulait pas mêler Lise à ce qui était pour lui, une question d’intendance : c’était lui qui s’occupait de l’organisation de leur soirées étapes sur la route des vacances.

 

Une fois les valises bouclées et chargées dans le coffre, Lise prit congés des châtelains puis attendit à la voiture pendant qu’Antoine réglait leur séjour. L’extra concernant le fantôme figurait bien sur la note ; par contre, rien pour le spectacle dans la forêt, ce qui était tout à fait normal puisqu’il ne l’avait pas demandé.

– Dites moi, entreprit Antoine, nous avons vu une projection dans la forêt hier soir, de quoi s’agissait-il exactement ? S’agit-il d’une nouvelle prestation ? Vous ne saviez pas qu’on allait s’y promener ou est-ce que vous nous avez vus y aller et vous avez voulu la tester ?

 

Les châtelains se regardèrent, l’air visiblement très étonné.

– De quoi parlez-vous ? Quelle projection ?

– Et bien, vous savez, la projection dans la forêt autour de la fontaine, avec de la musique et qui représente un bal de courtisanes. Je me demandais quel mécanisme vous aviez utilisé surtout lorsque tout s’arrête quand on se retourne, j’ai été bluffé vraiment.

– Je vous assure, nous n’avons rien de tel, répondit le propriétaire ; la fontaine dont vous parlez est à sec depuis bien longtemps et il n’y aucun mécanisme dans cette forêt. Sans doute vous êtes vous laissés abuser par l’ambiance et vous aurez imaginé la scène. Il est probable que de tels événements s’y produisaient autrefois, mais l’époque est révolue, les arbres en auront peut-être conservé le souvenir et ils le restituent aux visiteurs de passage.

 

Antoine n’y comprenait plus rien, ils avaient pourtant bien vu, du moins c’est ce qu’il croyait ; il se sentait quelque peu effrayé par les suggestions du couple. Devant  le sourire qu’ils lui adressèrent, il jugea inutile d’insister et il les salua à son tour. En retournant à la voiture, il se dit qu’il n’était pas utile d’en parler à Lise, elle avait eu bien assez peur avec l’épisode du fantôme et si elle lui en reparlait, il dirait qu’il s’agissait en effet d’un test pour une nouvelle prestation. Il se dépêcha de quitter cet endroit et il en frémissait encore quand le portail grinçant s’ouvrit comme par magie pour les laisser partir.